La peinture moderne
Écoles de Paris et de New York Naissance de la modernité
Avant-gardes et manifestes
Écoles de Paris et de New York
Dans les années 1945-1950, une réaction se fait jour contre la géométrie
trop sèche de l’abstraction et l’académisme qui menaçait de figer
ce domaine. En France se développe une peinture abstraite revivifiée,
lyrique, tandis que les artistes américains explorent les courants
de l’expressionnisme abstrait. En Europe comme en Amérique se poursuit
une recherche sur le statut de l’œuvre d’art et la démarche créatrice.
Les chemins de l’abstraction
©Ph. IGDA - G. Dagli Orti
"Nu bleu IV" (1952) d'Henri Matisse. Papier découpé. Musée Matisse,
Nice.
En France, des peintres reprennent les travaux entamés avant-guerre
par la première École de Paris, représentée par Chaïm Soutine et
des peintres russes émigrés. En se situant à mi-chemin de la figuration
et des potentialités de l’abstraction, notamment avec Vieira da
Silva et Nicolas de Staël, l’École de Paris constitue un pôle plus
qu’un courant revendiqué. On lui associe les noms de Manessier,
Estève et Bazaine. Suivant une démarche abstraite plus rigoriste,
Vasarely est un représentant de l’art cinétique.
Jean Dubuffet, suivant une démarche critique originale qui prolonge
ses positions artistiques révèle un mouvement dit de l’art brut,
qui se réclame d’une spontanéité hors de l’histoire des représentations
et d’une ouverture sur l’art non professionnel et sur l’expression
graphique des malades mentaux.
Aux États-Unis, après les post-impressionnistes tels Edward Hopper,
un mouvement new-yorkais similaire à celui de l’École de Paris,
décrit comme un « expressionnisme abstrait », exploite toute la
liberté des avancées du début du siècle pour projeter pulsions et
affects dans le tableau, comme on le voit chez De Kooning, qui accueille
dans sa toile les traits venus par hasard, tout ce qui atteste de
l’énergie vécue dans le geste de peindre. L’Action Painting de Pollock
enregistre cette coulée en peinture du mouvement. Cette tendance
majeure de l’après-guerre est illustrée par les compositions de
Motherwell, amples de forme et marquées de forts contrastes, celles
plus déchiquetées de Clifford Still ou plus méditatives de Rothko,
visions équilibrées aux pavés de couleurs profondes.
De l’art pauvre à l’hyperréalisme
©Ph. IGDA / DR
"Automat" (1927) d'Edward Hopper. Fondation James E. Edmundson,
Centre d'art de Des Moines (États-Unis).
La surface concrète de la peinture, le grain des toiles et de tous
les supports possibles alimente les travaux du peintre Antonio Tàpies
et le courant dit « matiériste », le graffiti et la rature ceux
de Cy Twombly. Dans les années 1970, le courant minimaliste réalise
un retour à la géométrie et cherche à évacuer toute profondeur,
toute narration, joue d’accumulations et des propriétés des matériaux
industriels, tandis que l’« art pauvre » (arte povera) explore les
ressources d’objets bruts. Le « Land Art », lui, modifie des paysages
tantôt avec des créations éphémères (moissons) tantôt des rochers
peints ou des installations monumentales (Richard Long, Christo).
Parvenue au stade de la consommation de masse, la reproduction mécanique
des images entraîne une nouvelle forme de représentation où le cliché,
l’image presque infiniment répétée par la presse ou la publicité
sont réintégrées comme éléments de base d’un discours ironique.
Le Popular Art ou Pop’Art, né dans les années 1950 en Grande-Bretagne,
n’est pas qu’une récupération de motifs galvaudés ou d’icônes mais
une authentique analyse parallèle de la copie industrielle d’images
et de la pratique du peintre. La reproduction semi-mécanique, par
masques, grilles ou projection de diapositives, la peinture imitant
l’imprimerie, toutes ces stratégies décrivent les procédés des images
modernes en même temps qu’elles donnent sa forme à ce nouveau destin
désacralisé des représentations.
Les représentants les plus notables de cette période, Lichtenstein,
Jasper Johns, Hamilton, Martial Raysse et Andy Warhol, acceptent
les codes de l’industrie culturelle de masse, son aspect brillant
et vite consommé, ils accrochent même des objets plastiques à leurs
toiles et prolongent encore cette dérivation indéfinie des images.
Comme les impressionnistes, les réalistes américains s’intéressent
avec précision à la reproduction, au procédé et au problème de la
perception conventionnelle du réel. Malcolm Morley, dans ses toiles
inspirées de simples cartes postales, exagère la normalité des photos,
l’aspect neutre de la bonne lumière, jusqu’au point où naît le soupçon.
Les photoréalistes Richard Estes, Ralph Goings ou Robert Bechtle,
sont des peintres qui travaillent à partir de photos qu’ils ont
prises eux-mêmes et cherchent, dans le rendu le plus exact des reflets
et des textures, à reproduire le malaise et le mystère en traitant
des sujets les plus banals : vues de cafétérias, d’angles de rues,
de carrosseries automobiles. L’hyperréalisme va encore au-delà de
cette précision, comme Tom Blackwell dont les représentations de
chromes et de vitrines sont plus nettes que la vision humaine normale.
L’art conceptuel
Marcel Duchamp, qui heurte les artistes de son époque (années 1915-1925)
avec ses ready-made, objets « tout fait », dont la nature d’œuvre
est arbitrairement posée et qui, peut-être plus violemment que les
surréalistes eux-mêmes, ébranle la définition de l’artiste et du
domaine esthétique. Plaçant le spectateur devant un objet si incongru,
Duchamp le renvoie à sa faculté de choisir. L’exigence de l’artiste
traditionnel était tout à la fois technique, esthétique, culturelle
et sociale : Duchamp demande que les étapes de toute mise en situation
des objets soient décrites, étudiées anticipées comme geste et question
artistique.
Le message n’étant plus livré tel quel, mais interrogeant toujours
sa nature, fait de la critique des significations un thème esthétique.
Dans la lignée de ses premières recherches sur la production mécanique
opposée à l’inspiration traditionnelle de l’artiste, Duchamp annonçait
cet art conceptuel qui mettra en question toutes les positions possibles,
tous les registres logiques où l’œuvre pourrait s’installer. Le
cadre du tableau, la division entre sculpture et représentation
plane se trouvent également mis en question.
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