De
l'art moderne.
En
matière d’art moderne, le « moderne » prime sur
« l’art », au point que la « mode », en ses
exigences aveugles d’inédit et d’alternances
refoule l’art à un rôle d’alibi. L’intérêt est
plutôt de l’ordre d’un phénomène social ou d’un
phénomène de marketing, servi par une culture
plus factice que réellement artistique. Les
recherches et les révolutions que cette culture
dresse en fin en soi trahissent davantage une
situation de perdition qu’une quelconque
finalité de progression. Il faut être malhonnête
pour entrevoir un progrès en art. Issu d’une
réaction aux pompiers bourgeois du 19ème
siècle et de la déroute suscitée par l’avènement
de la photographie, l’art contemporain est à la
recherche incessante de sa raison d’être et a
été entièrement annexé par la littérature. On
crée en fonction de ce qui pourrait en être
écrit et par rapport à ce qui a été écrit sur
d’autres. Embourbé dans sa propre dérision,
l’art d’aujourd’hui, du moins celui qui tient la
scène, laisse apparaître une fascination du
néant, une sorte d’abolition de l’art par l’art,
et se caricature sans cesse lui-même. Cela fait
penser à la sclérose du système soviétique qui,
en se voulant indéfiniment révolutionnaire et en
se nourrissant de sa propre histoire, avait
abouti à un totalitarisme du non–sens, à l’exact
opposé de ses prétentions. C’est, en quelque
sorte, la vanité qui se trouve érigée en œuvre
d’art, puisque aujourd’hui l’art véritable
c’est de faire passer pour de l’art ce qui ne
l’est pas. Les artistes, ce sont donc les
marchands.
Istvan SANDORFI
(Works 1987-1997 - Garnier Nocera)